"CAEN - TOKYO, UN PONT D'ENCRE", 2014

                                                     Keiko ARAI, DARIUS, Haruko KATAYAMA,
                                                     Hamid TIBOUCHI, Chikako YOKOYAMA.



L'exposition CAEN - TOKYO  UN PONT D'ENCRE, organisée par l'Association Zinzolin, confronte le travail de cinq amis peintres avec pour fil conducteur le travail de l'encre sur le papier et ses possibilités toujours étonnantes et sans cesse renouvelées. Son ambition est d'emmener le spectateur dans un voyage  pictural et sensible au contact de l'encre.



Préface de Jean-Yves LEPETIT

Peinture et Encre.
Toutes les deux recouvrent.
Mais quand la peinture cache, l'encre révèle.
Liquide, fluide, ductible, pâteuse, poisseuse, poudreuse, transparente, translucide, opalescente, l'encre pénètre au cœur du support, s'insinue dans la profondeur du matériau. Pour en exhiber la texture, la chair. Ou en éprouver les limites.
Elle rend visible ce que la peinture classique dissimule sous l'opacité de ses couches, par une nécessité imposée en Occident dès la Renaissance : produire des images que le spectateur puisse reconnaître et prendre pour la réalité. La peinture joue de l'oubli de sa matérialité pour que l'imitation, le trompe l'œil fonctionnent. Art de surface, elle donne à voir autre chose qu'elle-même : la personne qu'elle figure, le paysage qu'elle représente.
A l'inverse, l'encre opère dans la profondeur, la « dé-s-illusion ». Modestement, elle se montre nue - sans fard - , s'avoue pour ce qu'elle est. De la matière travaillée par du geste et un geste qui s'investit dans de la matière.

Ombre et lumière.
Il y a eu Victor Hugo, puis Masson, Michaux, Alechinsky, Dotremont, Bryen, Hartung, Viera da Silva, Calder, Tàpies, Newman... Et dans l'art contemporain, il y a même comme une omniprésence de l'encre.
De Chine ou non - noire, brune, violette ou de couleur - elle s'expose aujourd'hui. Sans états d'âme.
Loin des interdits de l'époque classique. Quand le système artistique la cantonnait au dessin - cet art mineur réservé aux croquis préparatoires des chefs-d'œuvre. Chef d'œuvre qui ne pouvait que prendre la forme d'une peinture !

Sobriété.
L'encre conserve le souvenir de son origine modeste. Quand dessin et écriture ne faisaient qu'un.
Aujourd'hui encore, sa mise en œuvre se réduit à peu de choses : un support... et une marque qu'on inscrit dessus. Une simplicité qui lui a valu, en Occident, d'être regardée de haut, minorée, confinée aux essais ou aux relevés sur le vif.
Pourtant, c'est dans le dénuement de ses moyens, dans la bipolarité du support et de la marque qu'elle puise sa force expressive. En jouant sur le vide et le plein, la présence et l'absence, l'apparition et la disparition, l'équilibre et le déséquilibre... Mais de façon ténue et paradoxale !
L'encre jette un doute sur la nature unique des éléments plastiques qui la composent.Un vide n'en est pas vraiment un puisqu'il révèle le support dans toute sa matérialité. Ou qu'il ne doit son existence qu'au plein qui l'accompagne. Quant à la marque, à l'empreinte déposée sur le support, elle n'est que le signe d'un contact physique qui a eu lieu mais n'est plus, une présence qui s'est absentée.
L'encre : de l'arte povera (1) avant l'heure.

Geste.
Grattage, frottage, scarification, coulure, pliure ou projection... Étalée au doigt, à la plume, au pinceau, à la raclette, au balai, en vagues, en tourbillons, l'encre se déploie, se déplie de mille façons.
Selon toutes sortes de techniques aléatoires.
Ou selon un savoir-faire parfaitement maîtrisé. Comme l'Unique Trait de pinceau utilisé par le peintre lettré chinois Shitao au début du XVIIIe siècle. « Si loin que vous alliez, si haut que vous montiez, il vous faut commencer par un simple pas. Aussi, l'Unique Trait de pinceau embrasse-t-il tout, jusqu'au lointain le plus inaccessible et sur dix mille millions de coups de pinceau, il n'en est pas un dont le commencement et l'achèvement ne résident finalement dans cet Unique Trait de pinceau dont le contrôle n'appartient qu'à l'homme. » (2) Une construction mentale qui commande au sujet d'être représenté loin du modèle afin d'en concevoir la ligne la plus juste.
Qu'il soit spontané ou exigeant, pulsionnel ou distancié, le geste - dans l'encre - commande un engagement corporel sincère. Sans retour, ni reprise.
Pour devenir l'empreinte d'un passage, la trace d'un dépôt d'énergie habitée par un auteur.

UN PONT D'ENCRE rassemble cinq artistes, trois japonaises, et deux français.
Ou plutôt confronte leurs pratiques de l'encre.
Trois pratiques issues de cultures différentes, avec en filigrane pour chacun, le souvenir de sa tradition propre - parfois très ancienne. Calligraphie et peinture en Extrême Orient, miniature, calligraphie et arts décoratifs dans le monde arabo-musulman, dessin en Europe.
Trois univers, trois façons de ressentir, penser, représenter, exprimer. Des gestes parfois proches en apparence, mais souvent d'une tout autre nature.
Cinq regards actuels sur des traditions d'autrefois qu'on retrouve dans les formes et les épaisseurs diverses de leurs encres. Ou dans le souvenir de la pratique, revisitée ou dépassée quand le médium lui-même n'apparaît plus dans la production ou qu'il ne reste plus qu'un geste suspendu dans l'espace de l'installation.

UN PONT D'ENCRE cultive les télescopages et les métissages.
L'art moderne et le post-modernisme sont passés par là !
Viallat et ses toiles teintes, imprégnées de pigment jusqu'à la fibre, dans lesquelles l'étoffe devient peinture et la peinture redevient support. Et les sérigraphies de Warhol et Rauschenberg. Et l'utilisation de la couleur comme matière de Newman, Louis, Noland, Francis...qui rompt avec le système illusionniste de la Renaissance. Et les pliages colorés de Hantaï...
Jean-Yves LEPETIT

(1) Mouvement italien de la fin des années 1960, caractérisé par un recours à des matériaux naturels ou ordinaires et des mises en oeuvre simples.
(2) Propos sur la peinture du moine Citrouille-Amère, traduction de Pierre Ryckmans, éd. Hermann, 1985, rééd. Plon, 2007.


Texte d'Hugues LABRUSSE
Extrait

La femme revêtue  de l’éclat du soleil, et debout sur la lune

Pourquoi chercher plus loin ? - demande Angélus Silesius. Cette figure de l’Apocalypse est une clef de l’abîme. Cette béance ne serait-elle pas celle qui, au cœur du voyage entre Caen et Tokyo, entre la pointe de l’Europe et l’Extrême-Orient, nous confronte à la distance où se trouvent simultanément séparées et étroitement liées l’architecture d’une église et, venues d’ailleurs,  les œuvres d’art qu’elle héberge ?

Nous traversons la place, son espace lézardé par les pavés, ses édifices en trapèze. L’ensemble est comparable au décor d’un théâtre en perpétuelle répétition. L’existence est une suite de réitérations dissemblables qui n’aboutissent jamais à une répétition générale. Les figures du temps n’en sont que les évanescences.

    L’église du Vieux-Saint-Sauveur nous invite à la rejoindre. Dans une parole elliptique, Martin Heidegger affirmait que seul un dieu peut encore nous sauver. Ce qui peut prêter à rire ou, tout au contraire, nous bouleverser. Personne ne sait plus ce qu’on appelle un dieu, ne sait plus rien de l’appel d’un dieu. En revanche, le monde se sauve bel et bien, dans une fuite en avant qui l’étourdit. Désaffectée, l’église n’est plus une église. Elle est, comme tout un chacun, sans dieu, athée. On ne mesure pas encore assez la portée de cette sécularisation. Certes, Dieu est mort. Mais ne saurait mourir que celui qui a vécu et qui se survit dans l’épaisseur de la mémoire, à l’épreuve du manque et de l’oubli. Un dieu nous manque, cela veut dire qu’il passe à côté de nous sans nous atteindre et qu’il fait d’autant plus défaut que nous ne ressentons même plus  son éclipse. Mais vivre, ne serait-ce pas se sentir en permanence pris en défaut et souffrir cette violence ? Ce qui se refuse ici nous excède et limite radicalement tout accomplissement de soi.
Nous sommes exposés à l’impossibilité d’être, à cette extériorisation qui conditionne l’activité humaine.

    L’agir humain n’a pas pour fonction de combler un vide, mais au contraire de lui donner forme, de le réduire au silence qui lui convient.  Cette réduction n’est en rien une mutilation, pas plus que le sont les arbres taillés du Japon. Elle exaspère la force du silence, la concentre à l’extrême, comme peuvent le faire un poème ou un dessin. Le silence n’est pas le mutisme. Son dire est à l’épreuve de ce qui, ayant toujours été dit, reste tacite et ne cède pas à la nouveauté. La prière et l’art en sont les expériences inégalables. L’expérience n’est pas une relation pragmatique à la présence des choses, mais une transhumance vers l’imprévisible, l’inconnu. Parcours sans fin, car ce qui nous en sépare ne s’épuise jamais...




Vous pouvez télécharger le dossier de presse de l'exposition : DOSSIERdePRESSE.pdf

Vous pouvez voir la vidéo (http://youtu.be/RvIDRGCkdx8) prise à l'occasion de cette exposition et présentée dans l'église du Vieux St-Sauveur pendant l'exposition. C'est un montage sur les pratiques de l'encre et du papier des participants à cette exposition.


Format 15,5x23,5 cm, tirage quadri, 200 pages. ISBN :  978-2-917437-53-7. Prix de vente 20 € (+ 4 € pour frais de port). Si vous souhaitez acquérir un exemplaire, vous pouvez télécharger un BON de COMMANDE (au format pdf) et envoyer un chèque de 20 € plus 4 € de frais de port, à l'ordre de "Galerie 175 - Éditions du Chameau", au 154 grande-rue 14430 Dozulé.

Pour une commande de 2 ou 3 livres, les frais de port s'élèvent à 5 €.
Pour une commande de 4 livres, les frais de port s'élèvent à 6 €.
Pour une commande de 5 livres les frais de port s'élèvent à 10 €.
Au-delà, nous contacter.



  


Quelques photos de l'exposition, extraitres du catalogue :














































































DARIUS, Hamid TIBOUCHI, Jean-Yves LEPETIT, Jean-Noël LECOMTE
Keiko ARAI, Haruko KATAYAMA, Chikako YOKOYAMA









Et une image de la vitrine de la librairie "Au brouillon de culture" :




Vous pouvez voir quelques images supplémentaires de l'exposition sur http://dariusnet.free.fr à l'onglet "expositions".




L'affiche de l'exposition conçue par Hamid Tibouchi et sérigraphiée par Bernard Louvel.




Le bon de commande


  



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