GEOGRAPHIE (1)   2010


Texte et photographies d'Ettore LABBATE. Format 21 x 21 cm, 96 pages. Tirage numérique Noir et Blanc, en 100 exemplaires. Prix de vente 15 € (+ 3 € de frais de port).  Si vous souhaitez acquérir un exemplaire, vous pouvez télécharger un bon de commande (pdf) et envoyer un chèque de 15 € plus 3 € de frais de port, à l'ordre de "Galerie 175 - Editions du Chameau", au 154 grande-rue 14430 Dozulé. 


la couverture

Géographie est le premier volet d’un projet de voyage qui ne peut être entrepris sans la crise de la langue et donc sans l’entreprise d’un nouveau langage.

– Est-ce là, dans ce non-lieu de la parole, le lieu de la poésie ? Cette insuffisance de la langue, par quoi même une langue maternelle finit par devenir étrangère, tout comme la langue étrangère la seule manière pour la retrouver ?

– D’autres versions de ce voyage suivront celle-ci, tous les ans, en France ou en Italie.




Article de Aymen HACEN, paru dans "La Presse de Tunisie"du 7 janvier 2011.


Géographie d’Ettore Labbate :
« est étranger qui sait demeurer loin de sa terre »


Originaire d’Ugento (Pouilles) en Italie, Ettore Labbate a étudié les Lettres Classiques à l’Université de Padoue. Enseignant à l’Université de Caen, il a publié La voix dans le vide. Sonnets de Giacomo Lubrano (Paris, Cahiers de l’Hôtel de Galliffet, 2009)1. Également écrivain, il collabore aux revues Résonances Générales, Grumeaux, Frictions, Lo Scirocco, tout en écrivant en italien et en français. Ainsi, Ettore Labbate vient de publier Géographie2, aux éditions du Chameau en France, en même temps que Géographie 2 aux éditions Manni en Italie, comme si le même projet, pour le poète, ne pouvait pas se passer du besoin profond de prendre la langue au collet et de la soumettre à une interrogation musclée.
« Géographie, écrit-il au seuil du livre, est le premier volet d’un projet de voyage qui ne peut être entrepris sans la crise de la langue et donc sans l’entreprise d’un nouveau langage. — Est-ce là, dans ce non-lieu de la parole, le lieu de la poésie ? Cette insuffisance de la langue, par quoi même une langue maternelle finit par devenir étrangère, tout comme la langue étrangère la seule manière pour la retrouver ? — D’autres versions de ce voyage suivront celle-ci, tous les ans, en France ou en Italie. »
Ses mots nous semblent en effet servir de mise en garde. Certes, ils introduisent le projet initial pensé et mis en place par le poète-photographe, mais ils témoignent d’une violence réelle. Or, le lecteur de Géographie s’aperçoit que cette violence a été subie par Ettore Labbate, si bien que l’acte créateur se sent obligé de riposter :
« La mort suspend la voix le deuil en interrompt le travail tu ne
sais pas si tu parles si tu peux encore parler en quelle langue tu le
fais le feras si un jour à nouveau te mettras [à la pratiquer

Dans l’attente tu récoltes au dehors voix et images qui ne
t’appartiennent pas étrangères pas à toi tout ce qui peut bien
arriver t’arriver et parait un instant supportable — pouvoir être dit
par toi plutôt [à travers » (p. 25)

    L’écriture est, comme nous pouvons le lire, à l’image de cette violence pressentie. La syntaxe absente, le « tu » invoqué, à la fois comme un pronom personnel et comme le participe passé du verbe « taire », l’usage des crochets ouverts, comme s’il s’agissait d’un aparté qui peine à se formuler et qui, aussi, n’arrive pas à se refermer, nous signifient, du moins tâchent de nous exprimer le vœu de parole d’Ettore Labbate autant l’impuissance du poète devant la mort, devant la parole pourtant nécessaire pour dire la mort, faute de pouvoir la congédier. Aussi le texte contient-il plusieurs langues, l’italien, le français et le dialecte du Salento. Aussi Mallarmé est-il forcément présent, à travers « La tombe d’Anatole » et sa traduction italienne réalisée par Cosimo Ortesta. Mais, que cette œuvre inachevée de Mallarmé s’intitule ainsi ou « Pour un tombeau d’Anatole », elle illustre ce que le poète de « La crise de vers » appelait la « lutte d’un génie et de la mort », lutte qui, malgré le deuil ou grâce à lui, met le poète aux prises avec la langue, comme si la seule mort qui comptait était, avait lieu dans la langue :

« est étranger qui sait
demeurer loin de sa terre

là où les fils
ne reviennent que pour
ensevelir avec leurs morts » (p. 28)

Serait-ce Ulysse ne daignant rentrer à Ithaque pour enterrer ou rendre un ultime hommage aux siens, pour repartir, l’exil étant un royaume, le seul qui vaille la peine d’être habité ? Ce serait le cas pour Ettore Labbate qui, dans « Toi vers moi », le troisième chapitre de Géographie où le vers est la forme d’un journal tenu dans la nuit du 6 au 7 juillet 2009, écrit encore :

    « Tu fais un voyage toujours définitif
    L’un après l’autre tous mes compagnons sont morts
    Il ne faudra plus qu’en arriver seulement » (p. 59)

  Ou bien :

    « Ton nom flotte sur la mer
    la nuit c’est le reflet du ciel
    que je peux encore franchir » (p. 63)

Et aussi :
   
    « J’ai franchi la frontière
    et mesure en chemin pas à pas
    l’absence de tous les mots » (p. 67)

Tous ces tercets, comme la plupart de cette section, sont pourvus de titres italiens, respectivement : « Dora Baltea », « Sestri Levante », « Lunigiana ? ». Poèmes ou notes en français pour des lieux italiens ? Qu’est-ce à dire ? Cela veut-il dire que celui qui visite ou un habite un lieu étranger peut en mesurer la profondeur, l’esprit, le génie même dans sa langue ? Sûrement. Ce qui nous retient, qui plus est, dans Géographie d’Ettore Labbate, c’est qu’il s’agit d’un livre de dialogue : poèmes et photographies, certes, mais poète-photographe et langue, lecteurs, exils, royaumes, etc. Ce livre est, à ce titre, un vrai livre de dialogue, c’est-à-dire un livre ouvert aussi bien vers l’intérieur que vers l’extérieur.

Aymen Hacen
 

La seconde GEOGRAPHIE (2), en italien,  vient de paraître aux Éditions manni ( http://www.mannieditori.it/libro/geografia ) en Italie.

     

 



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